004 – les clochers de martinville

Concours pour un foyer et une crèche à la Sainte Famille à Renens.

îlots / plots / tissu fragmenté

Renens

Forme Urbaine

Le centre historique de Renens est caractérisé par un urbanisme d’îlots. Le développement urbain de la ville s’est fait par la suite selon une spatialité ouverte offerte par le modèle architectural des villas urbaines. Ces dernières conservaient les alignements du centre historique créant à écho de celui-ci. La création de l’avenue du 14 avril est venue d’une certaine façon entraver cet écho qui peine à faire sens aujourd’hui; les alignements oscillent entre l’histoire de la ville et la « nouvelle » avenue. En plus d’une relative densité, la typologie de la villa urbaine, ou plot, offre une grande qualité d’espaces extérieurs en créant des longues perspectives dans la ville, de larges jardins pour les habitants et tempère le réchauffement des villes grâce à la perméabilité des sols.

Par sa situation, le foyer Sainte-Famille s’inscrit pleinement dans cet urbanisme ouvert. Le projet « LES CLOCHERS DE MARTINVILLE » propose de conserver cette inscription.

rayonnement des façades principales

Le projet est une constellation composée de trois éléments dont les formes spécifiques définissent et dynamisent trois espaces vides les entourant.

Dans la première partie de son grand cycle romanesque À la Recherche du temps perdu, Marcel Proust relate les souvenirs d’enfance du narrateur dont l’épisode très connu des « clochers de Martinville »:

« Seuls, s’élevant du niveau de la plaine et comme perdus en rase campagne, montaient vers le ciel les deux clochers de Martinville. Bientôt nous en vîmes trois : venant se placer en face d’eux par une volte hardie, un clocher retardataire, celui de Vieuxvicq, les avait rejoints. Les minutes passaient, nous allions vite et pourtant les trois clochers étaient toujours au loin devant nous, comme trois oiseaux posés sur la plaine, immobiles et qu’on distingue au soleil. Puis le clocher de Vieuxvicq s’écarta, prit ses distances, et les clochers de Martinville restèrent seuls, éclairés par la lumière du couchant que même à cette distance, sur leurs pentes, je voyais jouer et sourire. Nous avions été si longs à nous rapprocher d’eux, que je pensais au temps qu’il faudrait encore pour les atteindre quand, tout d’un coup, la voiture ayant tourné, elle nous déposa à leurs pieds ; et ils s’étaient jetés si rudement au-devant d’elle, qu’on n’eut que le temps d’arrêter pour ne pas se heurter au porche. »

Proust décrit à merveille le paysage et les « mouvements » des trois clochers qu’il personnifie et lie par la même occasion l’espace au temps. Le mouvement du narrateur lui permet de comprendre la spatialité du paysage et de le sublimer; ce passage agît comme un moment révélateur dans le développement du jeune enfant.

Dans ses études sur le développement cognitif, le psychologue Jean Piaget a démontré que les enfants, lorsqu’ils sont statiques, ne font pas la différence entre leur propre point de vue et celui d’un autre observateur. Donc la perception spatiale des enfants se fait uniquement par leur propre déplacement.

Par leurs formes distinctes et par l’alternance des couleurs rouge et grise en façade, les trois bâtiments du foyer Sainte Famille créent des jeux de perspectives, suscitent la curiosité des enfants et cherchent donc à favoriser le développement de leur compréhension de l’espace.

Lorsque des enfants dessinent des maisons, les mêmes éléments sont présents dans tous les dessins: La porte d’entrée voûtée, les fenêtres avec croisillons, l’œil-de-bœuf, le toit à deux pans et la cheminée.

Ces éléments sont représentatifs d’une maison. Afin de faciliter l’appropriation du lieu, le projet reprend ces différents éléments dans chacun des bâtiments.

coupe transversale
coupe transversale

FOYER

Les deux unités de vie qui composent le foyer sont agencées en duplex. Au rez-de-chaussée les espaces communs tels que le salon, la cuisine, la salle à manger et la salle d’entretien. A l’étage les chambres, la salle de loisirs, les sanitaires et la chambre de piquet. Les deux étages des duplexes sont liés par un puit centrale permettant une communication facile dans tout l’appartement. Le grand escalier éclairé zénithalement est l’épicentre du foyer, il dessert les deux unités de vie ainsi que les autres locaux communs.

Lorsque le foyer se vide pendant les vacances, les locataires des deux unités de vie peuvent facilement se retrouver au deuxième étage qui se situe à égal distance des chambres.

le foyer – plan 1er
le foyer – façade sud

ATELIER

Au Sud du foyer, de l’autre côté de la pelouse, se trouve l’atelier. À son deuxième étage se trouve une grande pièce divisible destinée aux jeux, à la musique, aux spectacles ou au bricolage. Le fait de sortir cet espace de la maison principale lui donne un caractère événementiel qui plait aux enfants.

En dessous, la grande cuisine de production, le bureau du chef et celui du concierge. Ces espaces font face au foyer et les mettent directement en relation, comme une maison du gardien qui veille sur une propriété. La cuisine communique avec le foyer et la garderie à travers un passage sou- terrain, le long de la rampe de parking, ce qui facilite les livraisons des repas.

l’atelier – façade nord
l’atelier – façade est
l’atelier – plan

CRECHE

La crèche fonctionne sur une répartition par étage. A chaque étage sa couleur et ses groupes d’enfants, des plus petits en haut au plus grands en bas. Un grand escalier central agît comme un lieu de rencontre, où les vues traversent les étages et les lient par la même occasion. Alors que dans l’escalier les petites fenêtres donnent la possibilité aux enfants d’« espionner » l’arrivée des parents, les grandes fenêtres des salles de vie descendent jusqu’au sol et leur permettent, même accroupis, d’observer l’extérieur et le jardin.

Au sous-sol, des espaces plus calmes en relation avec un patio et éclairés zénithalement sont alloués à des activités spécifiques. Cette distinction spatiale est intelligible pour les enfants et les aide à se concentrer.

Au troisième étage, l’appartement des soeurs fonctionne de façon indépendante, mais bénéficie de l’accès en ascenseur. Un grand espace commun, séparé en sous-espaces, se tourne principalement vers le Sud mais garde un œil (de-bœuf) sur le jardin.

crèche – plan 1er étage
crèche – coupe transversale




EXTERIEURS

Les trois bâtiments créent trois grands jardins. Comme jadis l’atrium paradisus de la basilique Saint Pierre, le premier jardin est un seuil entre le monde extérieur et la Sainte Famille. Cet espace de transition est un lieu ouvert au public où l’enfant peut commencer à jouer sous le regard de ses parents qu’il quitte doucement. Réservé aux occupants de la garderie, le second jardin est divisé en deux parties par un muret qui méandre en son centre. D’un côté, un terrain de jeu contrôlé et agrémenté d’un grand abri, dans lequel les enfants peuvent jouer librement. De l’autre, un lieu d’exploration où la végéta- tion fleurit librement et où les arbres caducs rythment les saisons.

Côté Sud de la parcelle, le jardin du foyer est lui composé de trois parties distinctes: Une zone goudronnée liée à la toiture de la rampe du parking que les enfants pourront utiliser à bicyclette, patins à roulettes ou trottinette; une grande pelouse rectangulaire offrant la possibilité d’une multitude d’activités et sports; enfin un verger qui apportera aux enfants le calme et la sérénité du potager et des arbres fruitiers. Les trois parties sont visibles depuis les habitations et permettent la surveillance facile des éducateurs.

COULEURS

Le centre historique de Renens est remarquable pour ses façades crépies très colorées, cette tradition sera retrouvée dans le futur quartier de la Savonnerie. Le projet du foyer Sainte Famille cherche également à dialoguer avec cette partie de l’histoire de la ville. Cette fois-ci les couleurs n’ont pas la fonction de dissocier la bâtiments mais de les faire dialoguer. En effet, les façades principales se manifestent par un rouge puissant (ou pompéien) et deux par deux agissent comme un bâtiment baroque convexe dont la concen- tration spatiale de l’objet architectural est en dehors de l’objet lui-même.

Comme sorti de terre, un socle commun manifeste l’appartenance des trois bâtiments à un même lieu.