016 – place du tilleul

Concours de projet d’architecture pour la construction d’établissement psycho-social médicalisé à Montherod (Vaud). Actuellement, l’EPSM Les Myosotis accueille 32 résidents dans des bâtiments vétustes et mal adaptés à la mission, avec une majorité de chambres à 2 lits.
L’objet du concours est la construction d’un nouveau bâtiment permettant d’accueillir 32 résidents en chambres individuelles. Les chambres doivent être séparées en deux unités d’habitation et sont liés par des espaces communs. 
La nouvelle construction se situera sur la même parcelle que le bâtiment existant. Ce dernier doit être maintenu en exploitation durant les travaux et sera démoli une fois la nouvelle construction terminée.
Notre projet, dénommé « Place du Tilleul », n’a pas été retenu.

Place du Tilleul

Depuis l’antiquité, l’arbre crée la vie sociale publique. C’est sous l’ombre fraîche d’un arbre que s’est toujours rassemblée la grande majorité des communautés pour débattre ou échanger. En 1871, le Dr. Guillaume nous faisait remarquer qu’en Suisse « chaque localité possédait au moins un arbre, d’habitude un tilleul, situé, si possible, sur le sommet d’une colline. Beaucoup de ces tilleuls existaient déjà avant la fondation des villes et ils remontaient pour la plupart à l’époque païenne. C’est à l’ombre de leur feuillage qu’avaient lieu les assemblées de mai des hommes libres et des vassaux; c’était sous leur abri que les Seigneurs rendaient la justice. »
D’ailleurs, en Suisse allemande, le Landammann dirige son assemblée depuis l’ombre d’un tilleul situé au centre de la Landsgemeinde (terrain communal). C’est sur cette place que les citoyens votent à main levée, selon le principe de la démocratie directe. Le tilleul est à lui-seul un symbole de collectivité et d’échanges sociaux. La Place du Tilleul marque l’entrée de l’EPSM Les Myosotis, contribue à l’ouverture de l’institution vers l’extérieur et articule la vie entre le village, les visiteurs et ses résidents.

Autour de cette place, nous retrouvons une architecture qui parle du monde rural, qui s’en réfère tant du point de vue de sa morphologie, de sa typologie que de son expression architecturale. Le projet utilise toutefois une certaine artificialité de manière ludique.
Son architecture ne renvoie pas à une question d’authenticité, mais de création d’un lieu avec sa propre identité en utilisant les principes spatiaux du village et des références aux formes de constructions historiques et aux traditions artisanales. La composition évoque les groupes de bâtiments ruraux, comme ceux qui caractérisent le centre du village de Montherod, où l’architecture répond à un principe additif, c’est à dire un ajout de nouvelles constructions selon les besoins et le temps. Cette composition additive se veut typique des formes rurales en « L ».  Cette forme permet de créer simplement un extérieur et un intérieur non clos. A l’intérieur du « L », le sentiment d’unité et d’appartenance s’exprime fortement. La totalité de l’EPSM est toujours visible et compréhensible pour ses occupants.

Espèce d’espaces

Dans son essai Espèces d’espaces, George Perec écrivait « vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner ». Cette phrase qui porte à sourire prend une certaine signification dans un établissement psychosocial médicalisé. L’organisation de l’EPSM a été pensé en résonance avec cette citation.

Depuis la rue de Vénengy, nous découvrons, en surplomb, une silhouette en bois, presque familière. Nous empruntons ensuite la ruelle qui nous mène à la Place du Tilleul. De prime abord, l’architecture exprime par sa construction les espaces communs, collectifs et les espaces semi-privés et privés. En reprenant un thème classique de l’architecture rurale, le bâtiment principal (contenant les communs et l’administratif) est conçu en maçonnerie crépie et les deux unités de vie sont des annexes construites en bois. 

L’accès dans l’institution se fait par une grande ouverture dans la façade principale, comme si l’espace de la place se faufilait à l’intérieur. Afin de faciliter
l’appropriation du lieu, cette façade reprend les éléments représentatifs d’une maison dans l’imaginaire de tous : la porte centrée, la toiture à pans, la
cheminée et l’œil de bœuf. Dans le hall d’entrée, on perçoit immédiatement la logique et l’organisation de l’établissement. Un grand séjour s’ouvre sur une terrasse couverte puis sur une pelouse et enfin sur le paysage.  Les deux unités de vie sont identiques et symétriques. On y accède par leur salle à manger, lieu d’échange principal de la maisonnée. La fluidité et la compréhension spatiale est immédiatement
perceptible. L’espace en double hauteur donne une notion de la dimension du bâtiment et accentue le sentiment de communauté. La cuisine est en lien avec la salle à manger, depuis celle-ci une petite fenêtre permet de jeter un coup d’œil sur l’arrivée de nouveaux visiteurs. A chaque étage, un couloir dessert les chambres, son extrémité s’ouvre sur le séjour au rez-de-chaussée et sur la salle d’entretien au premier étage. Depuis le séjour, nous pouvons embrasser
visuellement tout le jardin. 

Quand nous entrons dans une chambre, le léger angle de la cloison de la salle de bain permet d’ouvrir l’espace sur cette pièce lumineuse. La salle de bain profite d’un second jour à travers une fenêtre située dans l’épaisseur d’une armoire. Le projet prend le parti d’une fenêtre verticale toute hauteur, avec un garde-corps à l’étage, ce qui permet d’offrir une vue sur l’extérieur en position assise. La structure qui soutient l’avant-toit est utilisé comme support pour un palissage métallique sur lequel pousse une végétation volubile, clématite, glycine ou encore jasmin.  Ce système d’avant-toit et façade végétalisé permet de protéger les personnes photosensibles du soleil, offre une réelle intimité vis-à-vis des regards extérieurs et exploite les effets bénéfiques sur la santé physique et mentale produits par la présence visuelle de végétation. Dans l’optique qu’un bâtiment puisse évoluer et selon les besoins de certains résidents, il est possible de rajouter des petites terrasses devant les chambres sans dénaturer le projet ; même si cela se fait que pour certaines chambres. Cette modification peut également être facilement réalisable au cours de la vie du bâtiment. 

rez-de-chaussée
premier étage
façades
coupe longitudinale

Construction, chantier participatif et durabilité

Les nouveaux bâtiments s’implantent de façon à pouvoir réaliser les travaux en gardant l’établissement en activité tout en profitant au maximum des espaces extérieurs une fois les travaux finis. 

En Suisse, où les bâtiments représentent cinquante pour cent des dépenses énergétiques, il devient essentiel d’être exemplaire au niveau de la construction des nouveaux bâtiments. Le bois est donc apparu naturellement comme matériau principal pour la construction du nouvel établissement. 

La consommation de béton est limitée au sous-sol, radier et la cage d’ascenseur et est donc réduite de manière significative. Une partie du sous-sol existant est conservée pour du stockage ce qui permet 360m3 de nouveau volume creusé. La façade du bâtiment principal est réalisée en brique isolante crépie pour représenter la stabilité d’une telle structure qu’est l’EPSM Les Myosotis. Le système structurel en bois est simple: poteaux, poutres, éléments de façade préfabriqués et caissons de plancher préfabriqués. La structure porteuse est constituée de bois d’épicéa, essence la plus présente dans nos forêts. Le système de préfabrication des éléments en bois réduit de façon importante le temps de construction et permet une rapidité exceptionnelle de mise en œuvre, ce qui essentiel quand les travaux sont réalisés en présence des résidents. Une durée de construction maîtrisée permet également de limiter les coûts induits par l’opération. La structure est organisée selon une trame régulière permettant la répétition et la simplification des détails constructifs. Le système poteau-poutre permet une grande adaptabilité du second œuvre selon les besoins futurs de l’établissement. Les caissons de plancher préfabriqués répondent aux normes en termes de protection incendie et d’affaiblissement acoustique. 

Afin de faire plus facilement accepter le chantier et la future
« maison » aux résidents, le projet propose de les impliquer dans le processus de construction. Un atelier participatif permettrait aux résidents de remplir les caissons de plancher avec de la terre excavée, pour répondre aux normes acoustiques. Cet atelier se prête bien à une expérience participative dans la mesure où il ne nécessite pas de savoir-faire technique et le remplissage n’engage aucune sécurité structurelle. Les façades sont en mélèze thermo-huilé, ce qui permet d’envisager sereinement la problématique de l’entretien. La toiture du bâtiment principal est composée entièrement de panneaux photovoltaïques intégrés, ce qui est suffisant pour alimenter tout l’établissement durant les journées ensoleillées. Les toitures des unités de vie, dont la forme répond au degré de pente du toit imposé par le règlement communal, exprime une
volonté de finesse et accentue la liaison avec les bâtiments du village, notamment à travers l’usage de la tuile plate. Les couleurs claires des façades associées à des protections solaires permettent d’éviter fortement la surchauffe estivale des bâtiments. Des détails constructifs consciencieux liés aux matériaux utilisés permettent au bâtiment d’obtenir une certification Minergie-P ECO essentielle pour une un tel établissement car il inclut les aspects liés à la santé et à l’écologie de la construction. 

Biodiversité et espaces extérieurs

La transformation du site des Myosotis se veut également exemplaire en termes d’écologie et de biodiversité. La disposition des bâtiments permet la multiplication des interventions paysagères sur leurs pourtours. 

Les espaces extérieurs contribuent pleinement à inscrire les résidents dans une temporalité saisonnière. En plus des potagers classiques, la création de prairies fleuries, d’un hôtel à insectes, de nichoirs, de haies vives, de vergers d’essences locales, d’un mur en pierres sèches (pour reprendre les modifications de la topographie au nord) et la mise en réseau de ces biotopes permet de promouvoir un écosystème local et de favoriser la biodiversité. Ces biotopes ont de forts potentiels pédagogiques ou pour des activités en groupe. La multiplicité des espaces extérieurs favorise leur identification par les résidents comme différents microcosmes voués à évoluer grâce à eux.